Suivre les polluants au Canada : rencontrez Annabel Chung

Comment avez-vous obtenu votre poste actuel?

Je m’appelle Annabel Chung et je suis diplômée en chimie de l’Université de Montréal. Je travaille depuis 2013 à Environnement et Changement climatique Canada comme agente scientifique pour l’Inventaire national des rejets de polluants. Il s’agit d’un inventaire public annuel obligatoire où 7000 compagnies déclarent la pollution émise au cours des 25 dernières années. J’y appuie les activités de sensibilisation lors de festivals et dans les musées, fournis de l’expertise sur l’interprétation des données de pollution, travaille sur la modélisation de bases de données et appuie les activités de contrôle de qualité et de cartographie des données de pollution. C’est un poste très diversifié qui touche autant à la programmation, la cartographie, les sciences environnementales, l’éducation et la vulgarisation scientifique.

Je suis arrivée dans mon poste par un étrange concours de circonstances : mon université n’avait pas de programme de stage coopératif, mais offrait la possibilité d’avoir des stages en entreprise en remplacement d’un cours universitaire si l’étudiant le désirait. À la fin de mon baccalauréat, il me restait un cours à terminer en hiver pour obtenir mon diplôme. Je devais choisir entre un cours plus avancé en chimie de l’environnement et jongler avec un emploi qui pourrait accommoder mon horaire de cours; ou considérer des options de stage. Plutôt intriguée, j’ai préféré découvrir ce que le gouvernement fédéral avait à offrir à Gatineau (QC), étant donné que ce n’était pas une option particulièrement valorisée ou connue à mon université.

Je dois aussi mentionner que ma superviseure qui m’avait engagée avait décidé d’aller en-dehors des sentiers battus elle-même et d’aller chercher à Montréal des étudiants qui n’étaient pas forcément de programme coopératif comme Waterloo ou Ottawa pour leur donner une chance. Si ce n’était de son initiative, je ne serais probablement pas ici.

(de gauche à droite) Danica Lassaline, Annabel Chung et Kara au Musée de la Nature, parlant de cartographie des polluants au Canada

Qu’est-ce qui vous a inspiré à poursuivre une carrière en STIMM?

Dans ma famille, ma mère avait souvent regretté de ne pas avoir persévéré en sciences et espérait que je sois plus persévérante. Leur vision de la science s’orientait plutôt dans les champs de la santé. Cependant, au secondaire, une professeure en génie des systèmes de l’École de technologie supérieure (ÉTS) est venue présenter son travail et ce que ses étudiants accomplissaient. Cette rencontre a ouvert mes yeux sur d’autres possibilités.

La vie est par contre parsemée de détours. J’ai considéré toutes sortes d’options entre la nutrition, les sciences de l’alimentation, le génie chimique, l’informatique avant de jeter mon dévolu sur la chimie. Mes autres amours continuent d’influencer mon travail et complémentent ma formation en chimie. Mes convictions du droit à une alimentation et à un environnement sains, le plaisir que j’en tire lorsque j’analyse des données de pollution ont guidé mes choix de carrière.

J’ai aussi eu la chance de rencontrer des gens qui ont étudié en chimie, mais qui ont suivi des parcours moins orthodoxes que les chimistes classiques, comme agent de brevet, gestionnaire de portefeuille pour des investissements en recherche ou en pilotage de règlementation environnementale.

Quel est l’élément le plus fascinant dans votre travail?

Comment le travail d’un, additionné à celui des autres, n’équivaut pas seulement pas à la somme des gestes de chacun. J’aime à comprendre comment un projet démarre avec une idée à première vue simple, qui au final nécessite une compréhension des sciences environnementales, de la modélisation de bases de données, de la programmation, de la cartographie et de la vulgarisation scientifique. Comment mon travail appuie le bien public, dans son éducation et sa compréhension des enjeux environnementaux, mais aussi dans sa capacité à se préparer et à se protéger contre leurs impacts. Comment aussi, de par la nature publique du programme, les données de l’Inventaire national des rejets de polluants sont utilisées par des gens de tous horizons (scientifiques, chercheurs, éducateurs, journalistes, etc.). Je trouve cela très gratifiant d’aider les gens à comprendre notre environnement et à naviguer ses enjeux.

Annabel Chung parlant de pollution au festival Eurêka, à Montréal

Qu’est-ce qui vous a amené à postuler à Soapbox Science?

Honnêtement… je ne m’attendais pas à ce que Soapbox Science accepte mon application. Dans ma tête, je voyais Soapbox Science comme un présentoir où des chercheurs présentent le travail de leur vie qu’ils ont accompli sur le terrain et en laboratoire. Moi scotchée à un ordinateur à longueur de journée à valider des chiffriers Excel, ça ne me semblait pas aussi… sexy.

Cependant, ma collègue Sarah m’a encouragée d’essayer, disant que je n’ai rien à perdre. Après tout, je crois en la mission du programme et du département, j’adore les gens avec qui je travaille – des scientifiques de tous horizons (biologistes, géographes, informaticiens, ingénieurs, etc.) – et je pense qu’ils ont besoin d’une voix pour valoriser leurs efforts quotidiens. Je n’aime pas particulièrement parler en public, mais j’aimerais partager cette expérience.

Des membres de l’équipe de l’INRP au Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada

Résumez en un mot vos attentes pour la journée.

Instructif.

Je veux que les gens connaissent le travail des scientifiques du gouvernement et leur rapport au monde, malgré les décisions politiques.

Si vous pouvez changer quelque chose dans la culture scientifique, que serait-ce?

Valoriser l’intégration de disciplines variées au sein des sciences, comme les arts, la communication et l’éducation. Nous sommes des scientifiques avec de multiples facettes en notre personne et ces facettes gagneraient à être intégrées. Intégrer les divers savoirs ensemble permet de gagner une vision holistique à multiples dimensions et d’ainsi trouver des solutions plus complètes. Qui plus est, ça permet aux gens qui aiment moins les sciences d’y trouver leur compte, de peut-être trouver les sciences pas aussi terrifiantes qu’elles ne le sont et d’arrêter d’isoler les scientifiques avec le stéréotype de leur tour d’ivoire.

Votre recommandation pour une femme étudiant au PhD et désirant poursuivre une carrière universitaire?

Je n’ai pas fait de doctorat et je ne suis pas dans une carrière universitaire, ce n’était pas pour moi. Cependant, j’en connais beaucoup qui ont décidé de faire le saut et j’ai beaucoup de respect à l’égard de cette décision, ma foi, fort courageuse de poursuivre des études plus poussées et d’atteindre leurs rêves.

Testez vos limites, essayez d’atteindre vos objectifs, ne vous démoralisez pas si ça ne marche pas et soyez confiants en vos décisions. Et puis, si ça ne marche pas, ce n’est pas la fin du monde : les expériences, les réussites et les échecs bâtissent notre chemin. Et ce chemin peut parfois nous amener hors des sentiers battus et nous guider vers des voies insoupçonnées.

Est-ce que le gouvernement, c’est pour moi?

Il existe une pléthore d’opportunités pour les scientifiques au gouvernement, autant sur le terrain que dans les laboratoires que dans la modélisation, dans l’apport des sciences en politiques publiques, ou simplement dans la coordination de programmes scientifiques et l’éducation. Commencez par le Programme fédéral d’expérience de travail étudiant ou le programme co-op à l’université, parlez aux gens de votre passion!

Mots de remerciement

Merci à Sarah Bennett de m’avoir poussé à postuler pour Soapbox Science; merci à Danica Lassaline et Kara Hughes de m’avoir aidée à écrire ce blog; merci au reste de l’équipe d’être juste fantastique.

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